Un chemin vers l'équilibre

Les entreprises agricoles sont toutes différentes. Le sol, le climat, la surface, l'eau, les bâtiments présents, les équipements, la capacité de financement, le nombre de bras et de cerveaux et leurs spécificités, les objectifs des agriculteurs, les possibilités locales de commercialisation font qu'une méthode de travail est excellente pour une entreprise et aberrante pour une autre. Les comparer pour déterminer la meilleure, comme tout classement est malsain. L'important est de trouver un équilibre et il sera différent pour chacune. Il faut du temps pour mettre en place des méthodes viables et donc aussi pour comprendre les choix de chacune.

Le départ

J'ai démarré mon activité maraîchère en tant qu'agricultrice exploitante à Genay en 2014, en reprenant une petite structure gérée par un couple, qui n'avait que trois ans d'ancienneté en maraîchage et était encore en phase de démarrage, mais était certifiée en agriculture biologique depuis ses débuts en 2010.

J'envisageais de démarrer mon entreprise seule. Puis qu'au moins une autre personne me rejoigne après deux ou trois ans d'existence, une fois que j'en aurai structuré le noyau pour la rendre attractive et économiser les efforts de mon partenaire. J'avais aussi tellement d'inconnues que la présence d'une autre personne risquait de m'inciter à faire des mauvais choix.

Les moyens et méthodes de travail actuels

Après 8 ans d'efforts, je commence à voir plus clair. Malgré l'absence d'aide des "experts" de toutes sortes, j'ai persévéré. J'ai maintenant une base en fonctionnement stable et toujours beaucoup d'idées pour aller de l'avant.

Les outils

J'utilise un petit tracteur agricole en bon état avec trois outils, une bénette avant, un gyrobroyeur et une rotobêche. J'ai un quatrième outil intéressant, mais presque jamais le courage de changer l'outil en place pour 10 mn de travail. La rotobêche est un outil particulièrement adapté au maraîchage. Elle retourne la terre de surface à l'instar du bêchage d'un jardinier amateur. Le rotovator, le cultirateau et la motobineuse/motoculteur du jardinier avec leurs fraises broient la terre. Cela bouture les racines de chardons entre autres. J'avais en reprenant le terrain une énorme zone de chardons, dû à l'usage d'un rotovator par mon prédécesseur. Elle a disparu en quelques années, j'en ai encore quelques pieds clairsemés, mais ce n'est plus une énorme zone impénétrable comme à ma reprise.

Néanmoins, en maraîchage le tracteur sert peu. Griffes, binettes, sécateur et transplantoirs sont mes amis.

Les bâtiments

J'ai deux serres, un beau bitunnel horticole et une petite serre. Le bitunnel a été transféré à partir de juillet 2013 par mon cédant seul. C'était un travail énorme et je suis toujours impressionnée par sa persévérance. Je n'ai ni bâtiments, ni hangar professionnel. C'est un désagrément pour moi, mais ces bâtis coûtent cher, ma structure sera moins coûteuse à reprendre. Pour la vente, je loue un garage dans la résidence où j'habite, juste à côté de mes champs.

L'eau

Je n'ai pas l'eau ni de forage, ni de pompage. L'ancien maraîcher avait mis en place un système de baquets avec un puits vraiment faiblot. Le trop peu d'eau et le manque de pression ne permettait pas d'arroser significativement des cultures professionnelles. Une des premières améliorations que j'ai faite est l'ajout d'une alimentation en eau de ville. J'arrose le minimum possible au goutte-à-goutte et très très peu le plein champ, juste pour éviter que mes cultures en place meurent l'été. Le coût reste acceptable. Mais cela explique que j'ai très peu de cultures plein champ. J'ai depuis longtemps l'idée d'utiliser une réserve d'eau de pluie, qui permettrait d'assurer plus de 50 % de l'arrosage du bitunnel, mais ce projet est ajourné. Mes cédants ont repris sans négociations l'arrière de mon terrain en prétendant en avoir besoin pour faire du jardinage de subsistance. Alors qu'ils avaient plus que la place et l'infrastructure chez eux.

Les plants maraîchers

J'ai commencé en louant une serre chauffée. En 2016, j'ai voulu gagner en autonomie en transférant mes plants chez moi, et fin avril un gel à -4 °C dans la serre a ratatiné 80 % de mes plants chauds. Je suis retournée dans la serre chauffée. J'ai tenté de sécuriser en achetant des plants de début de saison chaude auprès d'un professionnel, mais je trouve cela cher et les plaques n'arrivent pas toujours à la date et dans l'état de croissance espéré. J'ai en 2019 fait des travaux pour sécuriser ma production de plants et j'ai libéré la serre que je louais.

Faire ses plants soi-même lorsqu'on travaille seule est de l'esclavage. Du premier semis chaud début mars à la fin de leurs plantations fin juin, on doit aller vérifier leur état de chaleur et d'arrosage, au moins deux fois par jour, absolument tous les jours et cela est très stressant. Ces plantules sont très fragiles et les conserver est vital pour l'entreprise.

Ce n'est pas rentable de payer quelqu'un pour faire ses plants. De plus, cela prend du temps à une époque où on doit s'activer pour préparer le sol. Très peu de maraîchers produisent leurs plants. Et ils n'en font souvent qu'une petite partie.

L'intérêt est que c'est un travail plaisant. On est debout, on aide la vie à naître et on l'observe se développer. On est aussi maître de ses variétés, alors qu'en achètant des plants auprès d'un professionnel, la gamme de variété est limitée. Il arrive qu'on ne sache pas quelle variété on a acheté.

Les produits phytosanitaires

J'ai visité de nombreux collègues, travaillé en tant que bénévole, salariée et "couvée" en maraîchage en agriculture biologique avant de m'installer. Et tous utilisent quelques produits phytosanitaires autorisés en bio. Les plus courants sont la bouillie bordelaise contre le mildiou, le soufre contre l'oïdium, un produit anti-coléoptère sur les pommes de terre et un anti-limace au ferramol. J'ai commencé avec ces produits. Mais j'ai toujours eu des doutes sur leur efficacité. Cela fait plusieurs années que je n'utilise plus que l'anti-limace accompagné d'une élimination manuelle.

Je ne comprends pas que les jardiniers amateurs achètent des produits phytosanitaires. L'élimination manuelle des insectes nuisibles sur de petites surfaces est rapide, gratuite et saine et en éliminant les pieds de légumes malades, on arrive en général à garder la plupart des autres. Les jardiniers n'ont pas d'objectifs de rentabilité alors pourquoi polluer et manger des pesticides ?

La clientèle

Je ne fais actuellement que de la vente directe. Et j'accepterai volontiers quelques clients de plus...

L'avenir

J'aimerais ne plus travailler seule. La personne qui viendrait travailler avec moi, bénéficierait d'un démarrage beaucoup plus agréable que le mien et pourrait reprendre l'entreprise en étant rassurée, dans quelques années. Cela nécessite d'avoir un peu de moyens financiers, de la santé et du courage.

J'aimerai aussi retrouver une vie sociale. J'apprécie les balades dans la nature ou prés de vieilles pierres, et les sorties culturelles. Mais je n'ai pas le temps de faire des sorties longues et fréquentes, à l'exception de janvier et février.